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22 mai 23

Pub radio et droits moraux !

mentions légales pub radio

Dans cet article du DailyBlog, nous allons nous pencher sur une idée reçue trop souvent entendue concernant les droits moraux applicables à la pub radio.

« J’ai payé la création du spot radio, donc je peux l’utiliser comme je veux, où je veux car le message m’appartient ».

Je suis certain qu’une grande partie d’entre vous ne voit rien à y redire, et pourtant, il suffit de faire un parallèle avec l’industrie musicale pour percevoir les limites de ce raisonnement.

Lorsque vous achetez un album de votre groupe préféré…Le disque vous appartient, mais vous ne devenez pas propriétaire de l’œuvre !
Celle-ci appartient toujours (et de façon permanente et éternelle) aux auteurs, compositeurs, interprètes et/ou leurs ayant-droits.

C’est la différence entre les droits patrimoniaux (qui peuvent être cédés à un tiers, lui permettant différentes sortes d’exploitation de l’œuvre) et le droit moral (qui est quant à lui perpétuel, inaliénable et imprescriptible).

Comme pour une chanson, un message publicitaire est une œuvre artistique créée conjointement par plusieurs intervenants :

  • Le rédacteur du texte pub est auteur, au même titre que celui qui écrit les paroles de vos chansons préférées,
  • Le compositeur de chaque musique utilisée dans le message publicitaire reste détenteur des droits afférents à l’utilisation de son œuvre musicale (ainsi que l’éditeur/maison de disque qui distribue les morceaux en question),
  • Le producteur du message est également assimilable à un compositeur pour son travail de montage et d’habillage du message,
  • Le comédien est interprète, au même titre que celui qui chante les textes d’un autre.

Tous ces intervenants sont donc propriétaires de droits moraux sur l’œuvre concernée, et ces droits sont inaliénables.

Vous souvenez-vous des pubs TV « On va Fluncher » ?

Dans cette série de spots publicitaires, la chaîne de restauration reprenait l’air bien connu d’une chanson de Gilbert Montagné avec des paroles réadaptés.

Ce qu’on connait moins, c’est la longue bataille juridique qui a eu lieu entre les différentes parties autour des droits moraux.

Pour vous résumer l’histoire, en 1983 Didier Barbelivien et Gilbert Montagné (respectivement auteur et compositeur-interprète de la chanson « On va s’aimer« ) cédaient les droits d’exploitation de la chanson à leur éditeur, incluant spécifiquement le droit d’adapter le morceau sous la forme d’une œuvre publicitaire, y compris en modifiant les paroles au besoin.

Puis finalement, quelques années plus tard, après la fameuse campagne publicitaire de Flunch, les 2 compères assignaient en justice l’ensemble des intervenants du processus créatif de ces messages publicitaires (depuis leur éditeur auquel ils avaient cédé les droits en 1983, jusqu’à la chaîne de restauration, en passant par l’agence et le studio en charge des spots TV concernés), prétendant que le spot en question portait atteinte à leur droit au respect de leur œuvre musicale.

La justice finira par leur donner raison, arguant que la cession de droits signée en 1983 n’était pas conforme au droit, du fait justement de l’inaliénabilité des droits moraux évoquée en préambule de ce récit.

(Pour les plus curieux, voici un résumé plus détaillé de cette affaire, et le jugement définitif de la cour de cassation)

Ainsi, vous comprenez bien qu’en achetant un message publicitaire, tout comme en achetant un film, un livre, un disque ou toute autre œuvre artistique, vous ne vous offrez que des droits d’utilisation bien précis (droits patrimoniaux), mais aucunement la propriété de l’œuvre en elle-même, qui appartiendra toujours à l’auteur et/ou ses ayant-droits (droits moraux)

Jamais vous ne considérerez que l’œuvre vous appartient parce que vous avez acheté un disque, un livre ou un film…Il en est de même pour votre message radio.

Et pour finir, si les droits d’utilisation d’une chanson, d’un album, d’un livre ou d’un film sont régis par un cadre général (du fait de l’échelle de diffusion particulièrement large), en ce qui concerne un spot publicitaire, c’est au cas par cas que se décide le cadre d’utilisation, en concertation avec les différents intervenants.

De ce fait, c’est en général l’interprète (à savoir : le comédien ou la comédienne) qui déterminera en premier lieu les conditions d’utilisation du fichier auquel il ou elle aura contribué, et dont le tarif aura été adapté en fonction des droits d’utilisation consentis (puisqu’une partie de la rémunération de nos voix comprend justement cette cession de droits patrimoniaux).
Le studio de production et la radio à laquelle est destiné le message auront à charge de faire respecter les modalités définies en amont.

Pour le dire clairement, un spot commandé pour une radio ne devra jamais être utilisé sur un autre support (TV, cinéma, site web, réseaux sociaux…) sans autorisation expresse de l’ensemble des intervenants, sous peine de poursuites.
Et pour les mêmes raisons, un spot commandé pour une diffusion locale ne devra jamais être utilisé à l’échelle régionale ou nationale sans autorisation expresse de l’ensemble des intervenants, sous peine des mêmes poursuites.

Pour aller plus loin sur les droits moraux et la pub radio, cet article de la SACD vous permettra d’en savoir plus sur le sujet.

Sources officielles :  
https://musique-libre.org/doc/affaire-on-va-fluncher-un-exemple-de-droit-moral/
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000020484281
https://www.sacd.fr/fr/droit-moral-droit-patrimonial