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30 juin 23

Pourquoi faire de la pub ?

Question

S’il y a bien une réponse évidente qui nous vient immédiatement à l’esprit (à savoir : « Pour faire connaître ses produits / son activité / ses services »), la question « Pourquoi faire de la pub ? » s’avère en réalité un peu plus compliquée que ça à traiter…

Tout le monde s’accorde à considérer que la publicité vise à faire passer un message, informer les auditeurs et – la plupart du temps – les inciter à consommer le service ou le produit promu.
Mais s’agit-il ici réellement de l’objectif de la pub ? Ou simplement de son mode de fonctionnement ?

En effet, il ne faut pas confondre l’objectif, la finalité attendue par la publicité….Et les moyens mis en oeuvre pour atteindre cet objectif.

Nous sommes tous convaincus qu’il ne suffit pas de voir la pub d’un célèbre soda à la télévision pour nous donner envie de nous en procurer d’urgence au magasin le plus proche…On est tous plus malins que ça, non ?

Dès lors…Pourquoi les marques dépensent-elles autant d’argent dans leurs campagnes publicitaires, puisque le consommateur n’est pas si prompt à se laisser abuser ?

La réponse se trouve dans certains mécanismes de notre cerveau, qui nous poussent à sous-estimer notre aptitude à être manipulé….

Pour développer ce point, j’ai choisi de partager avec vous un chapitre du livre « La Science des Balivernes » de Thomas C. Durand (éd. HumenSciences).
Dans cet ouvrage, l’auteur décortique les mécanismes qui rendent l’Homo Sapiens particulièrement sensible aux fausses croyances en tous genres…Et sachez que nul n’en est immunisé !

Ouvrons le livre page 109, au coeur du chapitre « Nos biais cognitifs » et lisons ensemble :

Nous pensons tous être imperméables à la publicité, hors d’atteinte de la manipulation des spots qui nous promettent qu’une lessive lave plus blanc que blanc ou qu’une marque de plats préparés peut transporter nos papilles à l’autre bout du monde. Pourtant, si nous l’étions tous collectivement, la publicité ne serait pas aussi omniprésente, les coupures publicitaires à la télé ou la radio aussi longues, et autant d’entreprises n’investiraient pas des sommes colossales en budget pub. Le message publicitaire fonctionne… aussi sur nous.
Cette façon que nous avons de sous-estimer l’influence des medias de masse sur soi-même mais d’en surestimer l’effet chez l’autre porte un nom : L’ « effet de troisième personne ». C’est une forme de biais d’autocomplaisance.
À l’origine, nous commettons l’erreur de croire que le but de la publicité est de nous donner une envie irrépressible d’acheter une voiture ou une assurance-vie. Elle fonctionne, en réalité, de manière bien plus subtile, le plus souvent sans créer d’acte d’achat mais en influant sur le choix du produit, grâce à l’ « effet de simple exposition ». Comme son nom l’indique, il se produit à la simple exposition à un stimulus (une idée, une marque, un concept, un énoncé…). Des travaux ont montré que lorsque nous rencontrons un stimulus plusieurs fois, nous avons tendance à lui associer un sentiment positif.
[…]
L’« effet de vérité illusoire » est assez proche. De la même manière que les stimuli récurrents nous paraissent plus positifs, les énoncés, quand ils sont répétés, semblent plus véridiques.

Thomas C. Durand – « La science des balivernes »

Ainsi, on comprend que le véritable objectif de la publicité n’est pas nécessairement de pousser à l’acte d’achat immédiatement, mais bien d’installer, à force de répétitions, un affect avec la marque, un sentiment de familiarité qui permettra, lorsqu’un achat deviendra nécessaire, que ce soit bien notre produit qui soit choisi plutôt que le produit concurrent.

On prête donc à la publicité un sentiment d’immédiateté dont elle n’a en réalité que faire.

La plupart du temps, nous oublions immédiatement le message publicitaire auquel nous venons d’être exposé, que ce soit à la télé, à la radio, ou dans les pages d’un journal…Mais cela n’empêche pas notre cerveau d’enregistrer le message sans que nous n’en ayons conscience.

On peut rapprocher ce mécanisme du paradoxe sorite :
Si je pose un grain de sable sur une table, ce n’est pas un tas de sable.
Si j’ajoute un deuxième grain de sable, ce n’est toujours pas un tas.
Avec un troisième grain non plus, et ainsi de suite…
Dès lors, on peut se demander à quel moment un « non-tas » deviendra un « tas » par le simple ajout d’un unique grain de sable.

Dans cette analogie…Chaque exposition à un message publicitaire ne représente qu’un grain de sable insignifiant, alors que le tas de sable (dont on ne sait pas vraiment à quel moment il commence à exister) représente le sentiment final d’adhésion à la marque, que le consommateur finira par ressentir sans même s’en être rendu compte.

En conclusion, pour répondre à la question « Pourquoi faire de la pub ? », il faut garder en tête que c’est la répétition et la durée d’exposition qui vous permettront de transformer l’essai, sans quoi la seule réponse valable sera : « Pour vous débarrasser d’un excédent de budget »…Après, si ce n’est que ça, vous savez où nous envoyer vos chèques !

Avant que vous ne stoppiez la lecture de cet article, je tiens à remercier chaleureusement Thomas C. Durand pour son aimable autorisation à partager avec vous ces quelques lignes de "La science des balivernes".
Je ne peux que vous inciter à lire cet ouvrage en intégralité, ainsi que l'ensemble de la bibliographie de l'auteur, dont le leitmotiv pourrait se résumer à "Apprenons à mieux penser".
Enfin, pour ceux que la lecture rebute (il n'y a pas de honte à ça), Thomas est également co-auteur de la chaîne Youtube "La Tronche en Biais", qui vulgarise habilement ses thèmes de prédilection, et dont nous reparlerons prochainement dans le DailyBlog.